écrits sur l'art
Les mouvements artistiques
Liste des mouvements artistiques
Actionnisme
L’actionnisme viennois voit le jour dans les années 1960. Ce mouvement s’affirme par une logique héritée du futurisme, de Dada, de l’action painting et de Fluxus. Pour Hermann Nitsch, Günter Brus, Otto Muehl, Rudolf Schwarzkogler ainsi qu’ Arnulf Rainer, il faut combler l’écart entre l’art et la vie. Par des manifestations individuelles ou collectives, ces artistes ont donné à leurs actions une forme totalement subversive.
L’intérêt premier de ces performances vient de l’utilisation du corps comme matériau artistique pouvant être souillé, dégradé et avili. Ces actions développées par ce mouvement dès 1964, présentent des caractères sexuels et fétichistes récurrents, dont l’expression s’inscrit dans le défoulement collectif. La violence expressionniste, la provocation et le sacrilège apparaissant dans ce climat se réalisent en particulier par les peintures de O. Muehl, les collages et œuvres corporelles de G. Brus, les actions de R.Schwarzkogler, les films ou photographies de H. Nitsch.
Action painting
Traduit littéralement «peinture d’action» ou «peinture gestuelle», ce terme désigne à la fois une technique et un mouvement pictural. Proposé en 1952 par le critique américain Harold Rosenberg pour caractériser l’importance de la gestualité dans le travail de certains artistes expressionnistes abstraits, cette attitude artistique privilégie l’acte physique de peindre, toutes suggestions figuratives sont alors écartées. Les artistes réalisent des œuvres abstraites en peignant, égouttant ou projetant la couleur sur la toile.
La structure du tableau résulte de l’intuition de l’artiste mais aussi des divers comportements de la couleur (coulures…) L’énergie vitale et la psyché qui animent le corps du peintre constituent le moteur, la ressource et le sens du travail. Peindre apparait alors comme un moment d’existence irréfléchi et pulsionnel. L’œuvre est un témoignage du corps vivant, en action et en mouvement dans l’instant. De Kooning, défait des motifs traditionnels dans une ambiance chamarée, jouant sur l’opposition fond/forme. Pollock quant à lui travaille à une peinture empatée où les signes, les symboles se résorbent dans une matière impétueuse. Pollock, célèbre pour ses drippings étale les toiles à même le sol pour projeter la peinture avec des batons ou des pots percés retenus par une corde.
L’œuvre n’a alors plus de centre ou de points privilégiés.
Art brut
Le terme « art brut » a été inventé en 1945 par l’artiste Jean Dubuffet. Il aurait employé celui-ci lors de son premier voyage en Suisse en compagnie de Jean Paulhan.
Cette expression prolonge ainsi les découvertes et les travaux réalisés par le Docteur Hans Prinzhorn dans les années 1920 sur l’art des « fous », mais également l’étude que le Docteur Morgenthaler consacra en 1921 à un interné psychiatrique qui deviendra un célèbre représentant de l’Art brut, Adolf Wölfli.
C’est en parcourant les asiles psychiatriques de Suisse et de France, en y intégrant des créateurs isolés et ceux que l’on a qualifié de « médiumniques » que Dubuffet réalise une collection d’œuvres qui sera administrée par la Compagnie de l’Art brut (à laquelle sera associé André Breton ) à Paris. Cette collection sera plus tard hébergée à Lausanne, où elle se trouve toujours, sous l’appellation de la Collection de l’art brut. L’art brut regroupe des productions réalisées par des non-professionnels, indemnes de culture artistique œuvrant en dehors des normes artistiques convenues (pensionnaires d’asiles psychiatriques, autodidactes isolés…). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle. Il redéfinira souvent l’art brut, cherchant à le distinguer de l’art populaire, de l’art naïf, ou des dessins d’enfants.
Art cinétique
L’art cinétique est un courant artistique reposant sur l’esthétique du mouvement (animation de l’oeuvre, déplacement du spectateur, variation de l’éclairage…).
Il est principalement représenté en sculpture où l’on a recours à des éléments mobiles.
Mais l’art cinétique est également fondé sur les illusions d’optique, sur la persistance rétinienne et sur l’impossibilité de notre œil à accommoder simultanément le regard de deux surfaces colorées, violemment contrastées. Les premières manifestations de cette expression ont lieu dès les années 1910 dans le mouvement futuriste et parmi certaines œuvres de Marcel Duchamp. Plus tard, Alexander Calder inaugure le mobile, sculpture formée de fils et de pièces métalliques mises en mouvement par le déplacement de l’air. Le terme d’ art cinétique est adopté vers 1954 pour désigner les œuvres d’art mises en mouvement par le vent, les spectateurs, ou un dispositif mécanique.
Dans les années 1950, les premières œuvres optiques sont basées sur le contraste entre le blanc et le noir. C’est alors soit la persistance rétinienne, soit l’interprétation que fait le cerveau qui va donner naissance à une illusion d’optique ou de mouvement dans l’œuvre.
Victor Vasarely et Bridget Riley expriment particulièrement ce début de l’art cinétique.
En 1955, Vasarely publie le Manifeste jaune qui théorise l’art optique et cinétique. L’effet de moirage, par superposition de trames sera également une des formulations de
l’expression cinétique.
Art conceptuel
L’art conceptuel apparaît à New York aux environs de 1967. Il se représente en dehors des États-Unis, dans des travaux d’artistes comme On Kawara (Mexique), mais aussi dans les œuvres des membres de art & language (Atkinson, Hurrel, Bainbridge et Baldwin) en Angleterre. Robert Barry, Lawrence Weiner, Douglas Huebler et Joseph Kosuth forment le premier noyau conceptuel new-yorkais. L’Europe découvre ces artistes en même temps que les États-Unis et leur accorde un intérêt tout particulier en assurant leur promotion bien avant les galeries américaines (fors l’action du théoricien Sieth Sieglaub). Il s’agit pour ces artistes de contrer la vague « esthétisante » du minimal art et la toute-puissance de l’objet, formalisée par le pop art. Se référant à Marcel Duchamp, ces artistes estiment que l’important n’est pas l’aspect formel et subjectif de l’art, mais l’investissement de son champ sémantique. Il convient donc d’analyser la nature, la fonction et l’usage de l’entité »art ». Le discours réflexif se substitue à la création d’un objet ; l’instrument le plus approprié à cette recherche s’avère être le langage. Les artistes présentent en général leurs travaux sous forme de petits livres ou de textes agrémentés parfois de photographies.
Pour Kosuth, les disciplines les plus adaptées à l’analyse du code que constitue l’œuvre d’art sont la philosophie et la linguistique. Moins théoriciens, Weiner, Huebler et Barry utilisent le langage pour exprimer des situations virtuelles : l’idée peut être réalisée ou demeurer sous forme d’exposé. Certains artistes travaillent isolément : Victor Burgin, Hanne Darboven, Bernar Venet, ou Hans Haacke (dont la démarche repose sur la réalité politique et sociologique de l’art) et enfin Ian Wilson, dont le travail se résume à des conversations avec ses interlocuteurs. Le mouvement conceptuel a permis à l’art de sortir de ses caractéristiques formalistes pour intégrer une dimension plus étendue d’investigation du réel.
Arte povera
Le terme « arte povera » est utilisé pour la première fois en 1967 et défini par Germano Celant, critique d’art italien qui emprunte le qualificatif « pauvre » au vocabulaire du théâtre expérimental de Jerzy Grotowski (1933- 1999). Dans ce contexte, la pauvreté doit être comprise comme « un dépouillement volontaire des acquis de la culture » pour atteindre à la vérité originelle du corps et de ses perceptions. Apparenté parfois à l’art conceptuel pratiqué dans d’autres pays, particulièrement aux Etats-Unis, l’arte povera a donné des œuvres d’une singularité remarquable.
Plus présent sur le mode sculptural que pictural, l’arte povera se situe en opposition à l’art scientifique, au cinétisme, à l’op art, comme à la société de consommation mise en images par le pop art. Il s’agit d’élever la modestie des matériaux, des moyens et des effets au rang de l’art. Les représentants de l’arte povera souhaitent rétablir un contact direct et sensible entre le spectateur et les matériaux naturels. Ils effectuent un retour aux « arts premiers » en privilégiant les techniques artisanales frustes (feu, coups de haches) et les matériaux bruts (chiffons, terre).
Contemporain d’une époque bouleversée (Mai 68), l’arte povera s’inscrit aussi dans la revendication politique et humaniste d’une « autre société ». Ainsi, toile de jute et autres textiles, charbon, végétaux, verre, sable, pierre, terre et eau, laine non filée, tôles, bois équarri, graines et autres matériaux pauvres prennent part à des tableaux-reliefs et à des sculptures de tous formats.
Art fractal
L’art fractal est caractérisé par des productions visuelles où se manifestent des images numériques issues de la géométrie fractale. Le modèle mathématique construit par Mandelbrot inaugure un nouvel ordre dans les irrégularités morphologiques microscopiques ou macroscopiques. Ce modèle permet de décrire l’aspect formel autrement que par la géométrie euclidienne. Il trouvera un écho dans nombre de pratiques artistiques (arts graphiques, photographie) mais aussi en musique et en littérature.
Art sociologique
Fondée sur des interventions dans les lieux publics, des interviews, enquêtes, etc., cette pratique vise à étudier les problèmes de communication ainsi que les rapports entre l’art et la société. Cette démarche fut celle du « Collectif d’art sociologique », groupuscule français des années 1974-1980, composé d’Hervé Fischer (1941), Fred Forest (1933) et Jean-Paul Thénot (1943). L’artiste, animateur, entreprend de changer la conscience individuelle en sollicitant la participation du public, du visiteur, du passant. Ce mouvement est fortement imprégné du contexte culturel de l’ époque marqué par l’Internationale situationniste et l’École de Francfort (Theodor W. Adorno, Max Horkeimer, Herbert Marcuse, Walter Benjamin, Jürgen Habermas).
Art vidéo
Cette expression nait en Europe et aux États-Unis au début des années 1960. Elle est issue des nouvelles technologies de l’image mais, au-delà des simples contingences du matériau, elle introduit des facteurs psychologiques issus de la nouvelle communication.
L’artiste utilise pour cela un dispositif permettant d’inscrire simultanément le son et l’image via un support magnétique. L’enregistrement peut être ensuite, voire instantanément diffusé par le magnétoscope sur un ou plusieurs écrans. L’utilisation de ce nouveau médium répond aux constantes fascinations de l’art pour les nouvelles technologies. Cette pratique devient une façon d’interroger les images qui hantent la société post-industrielle. C’est dans cet esprit critique que s’est développé tout d’abord l’art vidéo dans les milieux « néo-dada » proches de la mouvance Fluxus. En 1963, Nam June Paik s’associe à Wolf Vostell pour des essais de distorsions d’images. Il utilise ce médium pour filmer les performances de ses amis Merce Cunningham, John Cage ou Allen Ginsberg. Nam June Paik réalise des « images abstraites » en utilisant les fréquences électro-acoustiques, il met au point un synthétiseur d’images, joue sur les vitesses d’apparition et de disparition des images comme le fera plus tard Bill Viola. C’est à la fin des années 1960 que se multiplient des initiatives pour présenter et encourager cette forme d’art. Les États-Unis et le Canada prennent une place prépondérante dans cette activité et sont particulièrement représentés dans le champ de la vidéo expérimentale qui interroge les nouvelles voies de l’image de synthèse.
Bad painting
Cette expression désigne un style pictural qui apparaît aux États-Unis vers 1978. Cette tendance se développe au début des années quatre-vingt. Les artistes de la bad painting sont en réaction contre le « politically correct » du minimalisme, de l’art conceptuel et contre l’idée d’une fin de la peinture. Le bad painting est aussi une critique du Beau défini par les caciques de la peinture académique. Ses représentants pratiquent une peinture figurative, surchargée de couleur et de signes, ne respectent aucune des règles ordinaires de la composition, utilisent divers matériaux collés sur toile ou sur bois. Le bad painting s’inspire de cultures et idéologies marginales (pochoir, graffiti, affiches publicitaires, bande-dessinée, imagerie punk-rock, influences afro-américaines ou hispano-américaines). Julian Schnabel, Malcolm Morley, David Salle, Robert Longo, Kenny Scharf et Jean-Michel Basquiat sont les principaux représentants de cette mouvance.
B.M.P.T.
C’est en janvier 1967, au dix-huitième Salon de la jeune peinture, que quatre artistes : Buren, Mosset, Parmentier, et Toroni exposent en faisant figurer au catalogue les noms de leurs trois camarades en guise de titre de leurs œuvres. Ils entendaient ainsi montrer que leurs productions étaient interchangeables et qu’ils œuvraient dans la même perspective sans pour autant former un groupe. Ils exposèrent à Paris, au musée des Arts décoratifs, en juin 1967, puis à la cinquième Biennale de Paris en septembre 1967. Leur but était de remettre en cause la sensibilité esthétique et ses excès, le voile que procure l’illusion picturale ainsi que les notions de perfectibilité de l’artiste et de communication de l’œuvre d’art. Par la simplicité radicale des formes présentées, ces auteurs voulaient renvoyer le spectateur à lui-même et l’amener à repenser tous ses systèmes de référence à l’art. D’un point de vue formel, cette peinture n’est pas sans analogies avec le minimalisme qui se révélait à la même période aux États-Unis.
Body art
Également nommé art corporel, ce mouvement propose le corps comme sujet d’expérimentation. Son dessein était de pouvoir révéler les potentialités physiques, sensorielles et spirituelles de l’être à travers des actions, ou performances. La photographie et la vidéo s’intègrent à l’œuvre, la complètent et la prolongent. Ce mouvement s’est développé à partir de 1969 avec entre autres les Américains : Dennis Oppenheim, Bruce Nauman, Chris Burden, et la Française Gina Pane, les Autrichiens Hermann Nitsch, Otto Muehl, Günter Brus, Arnulf Rainer, l’Allemand Klaus Rinke, le couple anglais «Gilbert and George», les Suisses Urs Lüthi et Luciano Castelli, adeptes du travestissement.
COBRA
Acronyme de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam, villes de résidence de la plupart des membres fondateurs : Christian Dotremont, Jacques Calonne, Joseph Noiret, Asger Jorn, Karel Appel, Constant, Corneille, Pierre Alechinsky, Jan Nieuwenhuys, Pol Bury, Georges Collignon, Henry Heerup, Egill Jacobsen, Carl-Henning Pedersen, Jacques Doucet et Jean-Michel Atlan, le groupe COBRA ou Internationale des Artistes Expérimentaux (IAE) est un mouvement artistique créé à Paris le 8 novembre 1948 au café de l’hôtel Notre-Dame par le poète Joseph Noiret et les peintres Karel Appel, Constant, Corneille, Christian Dotremont et Asger Jorn. Réagissant aux querelles opposant l’abstraction et la figuration, les membres de ce groupe conspuent la culture rationaliste occidentale, dont la décomposition est devenue évidente, selon eux, au cours de la seconde guerre mondiale. Souhaitant s’abreuver aux sources premières de la création, ces artistes vont chercher leur inspiration auprès de formes non encore contaminées par les normes et les conventions de la culture occidentale : les totems, l’écriture des cultures primitives, la calligraphie orientale, l’art primitif… L’art populaire nordique, les créations d’ enfants ou bien de handicapés mentaux seront au nombre de leurs inspirations. Pour eux, l’écriture est par ailleurs l’expression la plus directe du psychisme de l’individu. Le mouvement se dissout dès 1951. Après la dissolution du groupe dont il perpétuera l’esprit, Pierre Alechinsky s’installe à Paris, où il fréquente les surréalistes
Coopérative des Malassis
La Coopérative des MALASSIS comprend cinq peintres : Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré et Gérard Tisserand. Rien n’est différend, en apparence, de ce qui se passe dans une coopérative laitière ou artisanale comme la mise en commun des locaux, du matériel, des compétences techniques etc. Mais en réalité, il s’agit d’une association de peintres s’efforçant, par une pratique poussée de création collective, de rechercher ou d’approfondir de nouvelles formes d’art politique. La Coopérative des Malassis est issue du «Salon de la jeune peinture» dont le rôle a été prépondérant en France à la fin des années 60. Les premiers écrits ou travaux de la Jeune peinture témoignent dès 1966 de la conscience claire d’une crise idéologique et de la nécessité de repenser le rôle des artistes et de leurs produits en termes politiques. La crise de mai 1968 a illustré et fait mûrir ces points de vue en donnant à la Jeune Peinture une position d’avant garde. Dès 1967 les peintres de ce salon affirmaient la nécessité d’affirmer la prééminence du contenu politique de classe et celle de développer la pratique de groupe en soumettant le travail personnel à la vision critique de l’ensemble.
Copy art
Cette pratique commence aux États-Unis dès 1962 de l’utilisation des outils de reprographie par les acteurs du mail art. Cette technique fait l’objet de publications et d’expositions diverses qui rassemblent vers la fin des années 70 des artistes issus du pop art (Robert Rauschenberg, Larry Rivers) de l’art conceptuel et de l’art sociologique.
Appelé communément xérographie aux États-Unis, ce médium se voit intégré à des pratiques artistiques qualifiées de mixed media. Avec l’arrivée de la possibilité de la couleur dans les années 80, le copy art se diversifie et se retrouve parfois à la frontière des pratiques plastiques et de la communication. Avec plus de vingt-cinq expositions, la France, de 1980 à 1986, donne une dimension privilégiée aux pratiques électrographiques. On nomme photostat la copie issue de ces machines. Depuis l’apparition du traitement numérique des images avec l’apparition de l’ordinateur domestique, les artistes ne s’intéressent plus guère à cette technique. « Photocopier n’est pas copier » en 1986, au Centre Pompidou sera une des dernières manifestations du copy art.
Dau al set
Dau al set, la septième face du dé, en catalan, représente une tentative téméraire de réaction face à l’apathie intellectuelle de l’Espagne d’après-guerre, ainsi qu’une revue éponyme.
Né à Barcelone, en 1948, par la rencontre du poète Joan Brossa et du philosophe Arnaud Puig avec les peintres Joan Ponç, Modeste Cuixant, Antoni Tàpies, Joan-Joseph Tharrats et plus tard le théoricien Juan-Eduardo Cirlot. Ce mouvement est issu de l’expérience dadaïste connue en Espagne grâce à la fondation de la revue 391 de Francis Picabia à Barcelone en 1917 et au surréalisme, demeuré présent dans l’oeuvre de Juan Miro. C’est vers lui que se tournèrent les artistes de Dau al set dont la fantaisie iconographique donne naissance à des compositions souvent empreintes d’une subtile atmosphère de magie noire. Tàpies décrit des figures difformes, des lieux nocturnes, et place des symboles religieux à proximité d’apparitions macabres. Très vite, toutefois, il va opter pour une peinture d’une plus grande douceur jouant sur les effets de matière et de consistance de la couleur, et, après 1954 – alors que l’expérience du Dau al set a pris fin – s’ouvrira en toute liberté aux suggestions de l’art informel.
École de Londres
L’appellation « école de Londres », naissant en Grande-Bretagne à la fin des années 1940, a servi de prétexte à une peinture figurative, humaniste et traditionnelle. Rassemblant des artistes comme Michael Andrews, Frank Auerbach, Francis Bacon, Lucian Freud et Leon Kossoff, elle est devenue l’objet d’études et d’expositions nationales et internationales dans les années 1980 et 1990. Entité hybride, entre concept critique, construction historique et enjeu culturel, sa temporalité est complexe. Commissaires d’exposition et critiques la ramènent à la grande tradition picturale européenne tout autant qu’à l’après- guerre. Ses deux figures de proue, Francis Bacon et Lucian Freud, ont évolué en fonction d’une perspective collective et académique. L’école de Londres constitue, à bien des égards, une « école britannique », représentant l’idéal de l’art national dans un contexte international particulier.
Expressionnisme abstrait
Également connu sous le nom d’École de New-York, et de manière plus réductrice sous celui d’action painting (peinture gestuelle), ce mouvement d’art abstrait né à New-York au début des années 40 obtint une audience internationale. Pratiqué pendant près de vingt ans, il donna naissance à des courants analogues en Europe, au Japon et en Amérique du Sud (l’informel, le tachisme). Mais l’origine est spécifiquement américaine. Les deux principaux éléments formels de l’expressionnisme abstrait étaient alors constitués par les styles opposés de l’abstraction postcubiste et du surréalisme, qui s’étaient développés à Paris et qui avaient attiré l’attention d’un petit groupe d’artistes américains , de 1925 à 1950 environ. La crise de 1929 et la seconde guerre mondiale seront un facteur déterminant de l’origine du mouvement.
À New York, plusieurs grands artistes parisiens, ayant cherché refuge aux États-Unis à la suite de l’agression allemande (Mondrian, Léger, Masson, Ernst, Breton, Matta, Kurt Seligmann), exercèrent une influence considérable au début des années 40. En outre, l’exemple des abstraits et des surréalistes provoquera quelque chose de tout à fait nouveau. Le mouvement expressionniste abstrait régna en maître à New York jusqu’à l’avènement du pop’ art au début des années 60.
Figuration libre
Très médiatisé dans les années 1980, ce mouvement s’est formé autour des artistes comme Robert Combas, Hervé Di Rosa, Richard Di Rosa, Rémi Blanchard, François Boisrond, Louis Jammes. Entre 1982 et 1985, ces artistes exposent à plusieurs reprises avec leurs homologues américains : Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, Kenny Scharf…
En 1985 le mouvement est représenté à la Biennale de Paris.
Dans plusieurs pays, de jeunes artistes proposent une peinture figurative et colorée. Néo- expressionnistes ou nouveaux fauves en Allemagne, trans-avant-garde en Italie, bad painting aux États-Unis avec Julian Schnabel, figuration libre en France. Cette tendance s’inscrit dans le prolongement d’artistes et de mouvements historiques dont la spécificité a été l’ouverture aux formes d’expression marginalisées, comme le cubisme s’était imprégné de l’art africain et océanien, le surréalisme des dessins d’enfants et de l’art des internés psychiatriques, le pop art de la publicité et de la bande dessinée. Les artistes de la figuration libre ont, à travers leurs œuvres, pris la « liberté de figurer » toutes formes d’art sans obstacles culturels ou géographiques, sans détermination hiérarchique. Leurs œuvres intègrent tour à tour les beaux-arts et les arts appliqués, l’art brut et l’art cultivé, l’art occidental et non occidental. En l’an 2000, Hervé Di Rosa fonde le Musée International des Arts Modestes (MIAM) à Sète.
Figuration narrative
Cet épisode de l’art est apparu par l’action du critique d’art Gérald Gassiot-Talabot et des peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque. En juillet 1964, ces protagonistes organisent l’exposition «Mythologies quotidiennes» au Musée d’art moderne de Paris.
À l’instant où le pop art triomphe à la Biennale de Venise et s’impose désormais en Europe, cet événement rassemble trente-quatre artistes (parmi lesquels :Edmund Alleyn, François Arnal, Eduardo Arroyo, Antonio Berni, René Bertholo, Gianni Bertini, Samuel Buri, Öyvind Fahlström, Peter Foldes, Klaus Geissler, Daniel Humair, Bernard Rancillac, Martial Raysse, Niki de Saint-Phalle, Peter Saul, Hervé Télémaque, Jean Tinguely, Jan Voss…) qui, à l’instar leurs homologues américains, placent la société contemporaine et ses images au centre de leurs oeuvres.Quelques mois plus tard, le Salon de la jeune peinture est bouleversé par l’arrivée en force de jeunes peintres (Aillaud, Arroyo, Cueco, Recalcati, Tisserand…) qui s’efforcent de faire de l’art, un vecteur de transformation sociale.
Travaillant à partir de l’image photographique, cinématographique, voire publicitaire, de la bande dessinée et même de la peinture classique, ces artistes présentent des oeuvres qui détournent la signification première de ces représentations pour en révéler des contenus inattendus, suggérer d’autres narrations, soulever leurs implications politiques.
Pendant cette période, la figuration narrative se démarque ainsi de la neutralité sociale de l’École de Paris comme du formalisme du pop art et dénonce par ailleurs l’ aliénation de l’individu.
Les bouleversements sociaux de la fin des années 60 favoriseront un engagement des plus militants de la part des peintres de ce mouvement dans la vie politique.
Fluxus
L’aventure commence en 1952, aux États-Unis, au Black Mountain College, où les musiciens John Cage et David Tudo, le peintre Robert Rauschenberg et le chorégraphe Merce Cunningham organisent une représentation, anticipant les futurs happenings, révélant la première expérience mêlant diverses expressions. L’événement -où l’on reconnaît l’empreinte de Dada- et l’enseignement émancipateur de la musique expérimentale de John Cage, vont déclencher de nouveaux comportements parmi un certain nombre d’artistes (Dick Higgins, Alison Knowles, La Monte Young, Henry Flynt, Ray Johnson, Robert Watts, George Brecht, Robert Filliou et George Maciunas). Grâce à l’action dynamique de George Maciunas, ces derniers montent en 1961, en la galerie AG à New York, une série de performances (essais de synthèse entre musique concrète, arts visuels et gestualité). Maciunas gagne l’ Europe pour publier une revue « Fluxus » afin « de refléter l’état de flux dans lequel tous les arts se fondent avec le respect de leur media et de leur fonction ». Il contacte des artistes comme Wolf Vostell, Nam June Paik et Ben Patterson à Cologne, Emmet Williams à Darmstadt, Joseph Beuys à Düsseldorf, Addi Koepcke à Copenhague, et Robert Filliou à Paris. Un peu partout, en Europe Maciunas organise des Festivals Fluxus, dont le plus mémorable aura lieu à Wiesbaden en septembre 1962. Revenu à New York, il réalise son premier concert Fluxus. En 1964 Dick Higgins, l’un des protagonistes de Fluxus, fonde la revue Something Else Press.
Fluxus est avant tout une position idéologique, une tentative d’abolir les frontières séparant le quotidien du domaine de la création artistique. Il s’agit de désacraliser l’art, d’abolir les catégories figées comme le théâtre, la musique, les arts plastiques la poésie ou la littérature. Le dernier festival Fluxus dirigé par George Maciunas lui-même aura lieu à Seattle en 1977.
Gutaï
Né en 1905 à Ōsaka, Jirō Yoshihara est généralement considéré comme le fondateur et théoricien de ce mouvement. C’est un jour, en regardant les calligraphies du moine zen Nantenbō peu avant 1954 qu’il déclare : « J’ai été vivement surpris et aussitôt conquis par ces calligraphies grandioses, cernées d’éclaboussures noires, jaillies du pinceau ! Ce qui m’a saisi alors, c’était moins l’intérêt de ces œuvres en tant que calligraphie, que le fait d’y découvrir quelque chose, disons, de l’ordre de la création, de la forme de peinture que nous cherchons, de l’ordre de ce que les artistes tentent de trouver, et ce qui les fait souffrir (…) Qu’on l’exprime au moyen de signes écrits ou de la peinture revient au même, ça ne change rien au fond… » Révélé en France et en Europe par Michel Tapié, le terme vient de gu, instrument, et tai, corps, son adverbe gutaiteki, concret, incarnation.
gutai tire ses origines de l’abstraction, du surréalisme, et de Dada. Il inspire l’action painting de Jackson Pollock et de façon plus lointaine le mouvement français supports/ surfaces. Il a été une révolution au Japon, comme Dada en Europe. « Gutaï est un groupe d’individus qui s’empare de toutes les techniques et matières possibles, sans se limiter aux deux et aux trois dimensions ils emploient du liquide du solide, du gaz ou encore du son, de l’électricité » ( Motonaga).
Yoshihara publie le Manifeste gutai en 1956. Des expositions de groupe sont organisées.
Michel Tapié, théoricien et critique d’art, rencontre alors le groupe Gutaï en 1958. Celui- ci n’exécute alors plus que des peintures sur toile, ce qui suscitera nombre de critiques concernant la perte d’originalité des débuts du mouvement. Malgré tout, le groupe étendra sa notoriété au plan mondial depuis cette rencontre. Dans les années 1960 le mouvement persiste mais se dissout progressivement en 1972, avec la disparition de Yoshihara. Une minorité seulement des membres de gutai continuera alors une activité artistique. Les œuvres exécutées sur toile sont généralement de très grandes dimensions.
Sur la plupart de celles-ci, entailler, déchirer, mettre en pièces, brûler, projeter, lancer…
sont le mot d’ordre. Ces œuvres sont souvent immédiatement détruites. Il ne reste que très peu de traces des originaux. En revanche on retrouvera nombre de traces via les supports de la vidéo et de la photographie.
Hyperréalisme
Ce mouvement, né aux États-Unis à la fin des années soixante en Californie et à New York, réclame le retour à la peinture, exangue et remise en question par l’avant-garde contemporaine (art conceptuel, land art, arte povera, body art…) D’approche facile, à la différence des mouvements sus-dits, cette pratique ne tarde pas à connaître un franc succès et à provoquer nombre d’émules dans les pays européens. De nombreuses manifestations lui sont consacrées. L’Hyperréalisme, dont la caractéristique constante est l’utilisation de la photographie, apparaît à première vue et de manière simplifiée comme un courant dont le but est de reproduire la réalité avec une précision et une objectivité proches de celles de la photographie. Reproduire une image aussi exacte et fidèle que possible du réel convient dans l’histoire de la peinture américaine à une tradition à laquelle l’hyperréalisme ne fait que se soumettre. Dès le début du vingtième siècle, l’Ash- can School pratique une peinture populiste réaliste et, dans les années vingt, les »précisionnistes » (Schamberg, Demuth, Sheeler) s’accordent à traduire le nouveau contexte social, dominé par l’essor de l’industrie, en ayant progressivement recours à la photographie comme élément de départ de leur travail. Cette volonté de réalisme reflète le désir d’une identité authentique et se précise avec la période de la dépression. Inscrite dans la mouvance du Réalisme social et national, et suggérant pour partie l’enseignement du pop art, l’hyperréalisme met en scène le quotidien ou la banalité, au risque de la trivialité. Augmentant l’espace iconographique du pop art, l’hyperréalisme ne privilégie aucune donnée spécifique et s’intéresse à tout environnement. Chaque artiste délimite son propre champ d’investigation répondant ainsi aux impératifs commerciaux et à la nécessité de pourvoir à une identité facilement repérable. Une extrême précision comme une absence de tout contenu émotionnel, une réalité fétichiste de l’objet sont les caractéristiques de cette mouvance dont tout l’enjeu repose sur la copie illusionniste de la neutralité et de la soi-disante fidélité de la vision photographique. Aucun artiste ne reproduit un document photographique dans son intégralité. Celui-ci n’est que le point de départ d’un long et minutieux travail. Certains artistes -via un épiscope- reproduisent l’image d’une diapositive sur une toile. l’hyperréalisme tend à signifier, force technique et virtuosité, que le sujet peint peut créer l’illusion d’une vraisemblance avec la photographie.
Land art
Cette forme d’expression prend naissance à la fin des années soixante aux États-Unis avec pour perspective la création d’une forme d’art s’émancipant des conventions traditionnelles des galeries et des musées. L’artiste conçoit son œuvre à partir de ce qu’il trouve in situ. Installer l’œuvre dans la nature et la laisser en proie aux caprices de cette dernière, c’est lui rendre ses droits et convier le spectateur à en contempler les prodiges à tous moments. L’espace naturel devient un vaste atelier et l’artiste devient l’inventeur d’une œuvre éphémère que la nature transformera selon ses propres volontés. Certaines œuvres sont gigantesques et sans précédent. La Spirale Jetty, de Robert Smithson atteint cinq cents mètres de longueur sur le lac Salé.
Certains artistes intègrent à la nature des éléments extérieurs, produits de consommation ou de technologie, afin de réaliser d’ immenses sculptures. Ainsi The Gates, exposition de 7500 portiques dans Central Park par le couple Christo ou bien les quatre cents pylônes d’acier destinés à attirer la foudre dans le désert du Nevada par Walter de Maria, montrent bien la démesure de l’œuvre de land art. Andy Galsworthy, parmi les figures emblématiques de cet art travaille uniquement dans la perspective de l’éphémère. Pour lui comme pour beaucoup d’autres concepteurs de land art, il s’agit de participer instinctivement à l’œuvre de la nature. Cette manière de se fondre à la nature, cette volonté de réinventer le paysage amène également l’ idée de prolongement. En sortant l’œuvre du musée, de l’atelier ou de la galerie, en la restituant à son milieu naturel, l’artiste du Land Art promeut l’habilitation et la légitimité du matériau brut. Il invite le spectateur à poser un regard totalement différent sur l’œuvre. Toutefois, le land art demeurant l’art de l’éphémère, ses acteurs n’ont pas d’autre choix que d’emprunter des supports technologiques pour en fixer durablement le souvenir.
Lettrisme
Le mouvement lettriste, créé au lendemain de la seconde guerre mondiale par Isidore Isou (1925-2007) a inspiré nombre des mouvements avant-gardistes des années 1960. Le situationnisme, l’ultra-lettrisme, la poésie sonore, la peinture du signe, la nouvelle vague cinématographique, l’art conceptuel, la performance lui sont tous redevables. Le huit janvier 1946 se tient la première manifestation du groupe lettriste. Isou y récite ses premiers poèmes alphabétiques. Cette conception nouvelle inaugure la destruction de la poésie des mots au profit d’une conception reposant sur la lettre et le signe. Cette théorie, caractérisée par son aspect radical, se révele dans les actions menées par les membres du groupe lettriste. A l’instar de Dada et des surréalistes, l’exercice de la stratégie du scandale, ne laisse que peu de répit aux contradicteurs. Le groupe interrompt brutalement une pièce de Tristan Tzara au Vieux-Colombier. Proclamations intempestives, hurlements, invectives et harangues, visent à promouvoir le Lettrisme comme un mouvement plus novateur. Le lendemain, ces débordements, rapportés dans le journal Combat, dépassent les frêles limites du cénacle germanopratin. Le mouvement émerge frénétiquement, au moment où se pose la question du retour du Surréalisme et qu’avec Jean-Paul Sartre apparaît l’existentialisme. Le quatorze novembre 1946, une deuxième manifestation lettriste a lieu, pendant laquelle Isidore Isou lit son manifeste sur la peinture lettriste. Le mouvement prend de plus en plus d’ampleur. Gabriel Pomerand inaugure « une centrale lettriste » à la Librairie de la Porte Latine, et organise, en guise de prolongement à cette deuxième manifestation, la première exposition de peinture lettriste.
En 1952 Guy Debord adhére au lettrisme. Cette participation sera déterminante pour l’avènement de l’Internationale situationniste en 1957.
Mail art
Au cours des années 1950, des artistes influencés par Dada, le futurisme et Fluxus remettent en cause les conventions et contraintes idéologiques, artistiques et politiques.
La pratique de l’art postal met en évidence l’importance des liens sociaux en privilégiant la relation ; l’art entre dans le quotidien et valorise les rapports humains. Ces artistes se plaisaient à ridiculiser la rigidité de l’institution postale. En adressant par la poste ces «œuvres d’art», ces artistes détournaient alors les vecteurs traditionnels, musées, galeries ou institutions diverses en subvertissant le marché de l’art. Quantité de supports et de matériaux pouvaient servir à ces correspondances créatives. Une simple enveloppe, un morceau de carton, de bois, un sous-bock, du tissu, du verre ou encore un disque ou une boîte d’allumette… il n’y a pas de limites. La seule condition est de supporter le voyage par la Poste. Les attributs de la Poste : adresse du destinataire, de l’expéditeur, timbre, oblitération participent évidemment au projet. Les artistes puisent aussi dans le registre postal pour nourrir leur imagination et réaliser leurs compositions. Ils n’hésitent pas à jouer avec le timbre et à l’intégrer dans leur composition. Certains créent leurs propres timbres, fictifs, le but étant -transgression oblige- d’obtenir l’oblitération, le cachet de l’État. De nos jours le mail art est toujours pratiqué.
Mec' art
Cette abréviation de l’expression américaine Mechanical Art apparait en Europe par l’action du critique d’art Pierre Restany en 1965. La découverte de la photographie avait précipité l’évolution de la peinture, qui n’eut plus pour dessein la représentation stylisée du monde et de la réalité ; mais, en se perfectionnant, cette nouvelle technique fut en mesure de concurrencer une discipline dont elle avait mis en cause l’exclusivité dans le domaine purement documentaire et même, à son tour, de s’élever au rang de l’art. En retour, ce sont les peintres qui requièrent de la photographie ses pouvoirs techniques.
C’est à partir de 1961 que l’introduction, dans le domaine pictural, des techniques d’imprimerie et de reproduction mécanique, furent employées à des fins créatrices. Par exemple, la sérigraphie allait être employée par Andy Warhol. De son côté, Robert Rauschenberg utilise le procédé du « report » dans quelques unes de ses réalisations.
Minimalisme
Également nommé Minimal art, ce terme employé la première fois en 1965 par Richard Wollheim dans un article de Arts Magazine (à propos de Duchamp, Reinhardt et du pop art), sera retenu pour qualifier les œuvres apparues depuis 1962 en réaction contre la prééminence de l’expressionnisme abstrait. L’adjectif « minimal » renvoie à une économie maximum des matériaux comme à un affranchissement des signes qui compose la grammaire expressive et esthétique. La peinture de Newman a été décisive : la peinture est à concevoir comme totalité autoréférentielle. Le spectateur est placé sous l’emprise de la surface comme espace de couleur et comme forme. C’est également ce qui se manifeste dans les toiles de R. Mangold, R. Ryman et B. Marden. Dès 1958, Frank Stella produit une interprétation nouvelle de cette forme picturale perçue comme forme signifiante avec ses Stripe paintings. Des productions encore plus radicales sont données en 1961-1962 par des artistes plus jeunes, qui abandonnent le genre pictural. Ainsi, Robert Morris crée des parallélépipèdes en contreplaqué, peints en gris, qui ne signifient que leur présence formelle, forçant le spectateur à faire l’expérience d’un acte de perception. Donald Judd se concentre sur la recherche d’une objectivité totale en élaborant des boîtes ouvertes ou fermées, dans des matériaux de plus en plus neutres. Impressionné par la structure répétitive des tableaux de Stella, Carl Andre produit des pièces fondées sur l’addition d’éléments identiques. Sol LeWitt multiplie des modules de base, carrés ou cubes. Dan Flavin élabore une nouvelle dialectique de la forme et de la couleur en utilisant des tubes de néon contre un mur. Ainsi, production sérielle, matériaux usinés, recours à des formes géométriques primaires, déterminent le minimalisme.
Néo-dada
Les artistes dont les œuvres se réclament de cette mouvance font se réfèrent à Dada et à Marcel Duchamp. Les néo-dada ne désirent pas faire de différence entre l’art et la vie ; ainsi, ils s’approprient les objets quotidiens et, plus généralement, le monde qui les entoure. Les déchets par exemple, en fournissent une illustration objective. Rauschenberg dit : « Un tableau ressemble davantage au monde réel lorsqu’il est réalisé à partir du monde réel ». Ces artistes, à des degrés différents, ont et entretiennent un regard critique, souvent ironique, sur le milieu de l’art qu’ils jugent suspect voire sclérosé et qu’ils tiennent à distance. Les membres de Fluxus, entre autres, sont souvent qualifiés de néo- dada.
Nouveau réalisme
Élément distinctif des mouvements artistiques après 1945, le nouveau réalisme s’inscrit, de la fin des années cinquante au milieu des années soixante, dans une tendance générale de réformation des expressions culturelles (nouveau roman, nouvelle vague, néo-dada, etc.) profondément lié aux nouvelles exigences et aux besoins novateurs de l’après- guerre. La société est alors imprégnée par le modèle culturel américain. L’avènement d’une société de consommation triomphante transfigure le la vie quotidienne (esthétique publicitaire, surabondance d’images, prolifération de nouveaux matériaux). Le mouvement naît le vingt-sept octobre 1960, par la déclaration constitutive du Nouveau Réalisme, mise en œuvre par le critique Pierre Restany. Celui-ci réunit sous cette même appellation les auteurs dont les travaux relèvent, selon lui, de «nouvelles approches perspectives du réel». Les protagonistes, parmi lesquels : Klein, Raysse, Arman, Dufrêne, Villeglé, Hains, Spoerri, Tinguely et Restany lui-même, auxquels s’ajouteront ensuite Deschamps, Niki de Saint-Phalle, Rotella et Christo, se manifestent essentiellement par la revendication justifiée d’une «singularité collective».
Les représentants du nouveau réalisme se reconnaissent avant tout par leur volonté d’appropriation du réel, qualifiée par Restany de «recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire». Ils figurent de cette manière à leurs œuvres des éléments de l’espace quotidien : palissades, barils, objets en plastique, détritus, voitures ou signalétique civile.
Les mediums sont variables : compressions chez César, accumulations pour Arman, décollage et lacération d’affiches de Hains et de Villeglé, assemblages d’objets familiers en plastique chez Raysse, tableaux-pièges de Spoerri, sculptures autodestructives de Tinguely, tirs de Niki de Saint-Phalle, emballages de Christo… Héritiers manifestes de Dada, les nouveaux réalistes restituent l’esthétique du prélèvement initiée par le ready- made de Duchamp tout en l’augmentant d’une dimension poétique et sociologique que Restany affirme simultanément par son soutien théorique.
Nouveaux fauves
Faisant référence aux Fauves français au tout début du XXème siècle, ce groupe d’artistes, au début des années 1980, en Allemagne et en Autriche, a développé une peinture agressive, insouciante et hyperdynamique. Ce chapitre de l’histoire de l’art s’est ouvert en réaction aux directions prises alors par le minimalisme et l’art conceptuel, mouvements qui privilégiaient l’idée au regard et adoptaient une méthode souvent scientifique. En opposition à ce courant, mais aussi en révolte contre la bourgeoisie, à Berlin, Cologne, Hambourg et un peu plus tard aussi en Autriche, de jeunes artistes renouaient avec un genre pictural dont on avait annoncé depuis longtemps la fin.
La joie apparaît sur les tableaux, avec les Nouveaux Fauves dans des formats souvent énormes avec des coups de brosse sauvages, les travaux étaient à la fois expressifs, figuratifs, grandioses, détaillés, abstraits, ressemblant à de la BD, envahis de citations et de références à l’histoire de l’art ou à des sentiments intimes comme la sexualité et la crainte.
La question de la peinture figurative ou abstraite ne se pose pas, les artistes changent de style. Cette nouvelle peinture n’a pas un style unique et commun, la méthodologie des protagonistes consistait à n’avoir pas de style conscient, en opposition avec l’avant-garde intellectuelle qui prédominait à cette époque dans l’art, il n’y avait pas de programme, pas de théorie et aucun commentaire explicatif. Seul l’instant comptait. Ses principaux représentants sont : Luciano Castelli, Rainer Fetting, Helmut Middendorf, Salomé, Bernd Zimmer, Elvira Bach, Georg Baselitz, Moritz Reichelt, Jörg Immendorff, Albert Oehlen, Markus Oehlen, Martin Kippenberger, Werner Büttner, Hans Peter Adamski, Peter Bömmels, Walter Dahn, Jiri Georg Dokoupil, Gerard Kever, Gerhard Naschberger, Volker Tannert, Siegfried Anzinger, Erwin Bohatsch, Herbert Brandl, Gunter Damisch, Hubert Scheibl, Hubert Schmalix, A. R. Penck.
Nouvelle figuration
D’après Gérald Gassiot-Talabot, l’expression « nouvelle figuration », désigne le retour de la figuration, formé sur la décadence de l’art abstrait, et implique par ailleurs le dépassement de la querelle abstraction/figuration. Elle inclut, selon l’usage, le pop-art anglo-américain ainsi que les formes issues de l’expressionnisme, du surréalisme et du réalisme. Ce courant, très largement ouvert, se manifeste par sa variété d’expressions stylistiques. On y retrouve à la fois l’influence d’un passé pictural récent et une volonté de se démarquer de l’impact du pop-art.
Elle ne se définit guère par un contenu déterminé ni par des contours précis, cette qualification contient, non seulement ce qu’un critique avait nommé la « nouvelle imagerie », mais peut en outre inclure le pop-art tout comme une autre alternative nommée « figuration narrative ». La place privilégiée dévolue au contenu politique plutôt quà la forme par certains artistes, conduira à une peinture contestataire, symbolisée parles créations de l’atelier populaire de l’école des Beaux-arts de Paris durant les troubles de Mai 68.
La fondation de la revue Opus International, puis la participation à partir de 1969 de Jean Clair aux chroniques de l’Art vivant, vont contribuer à la reconnaissance des figuratifs comme Leonardo Cremonini, Jacques Monory, Valerio Adami, Eduardo Arroyo, Erro, Gérard Fromanger, Alain Jacquet…
La nouvelle figuration développe une tendance photographique qui trouve son pendant aux États-Unis avec « l’hyperréalisme ». Les peintres de cette mouvance exploitent un thème de prédilection jusqu’à épuisement, par exemple les portraits géants de Chuck Close.
Nouvelle subjectivité
Comme un écho fait à la Nouvelle objectivité, mouvement post-dada des années vingt, l’exposition Nouvelle subjectivité est donnée à Paris à la fondation Rotschild en 1976 par Jean Clair. Elle présente des artistes internationaux dont certains exposent pour la première fois. L’esprit de cette tendance s’oppose à la Nouvelle figuration, au maniérisme du pop art, au fameux « less is more » de Mies van der Rohe, formule incantatoire des mouvements d’avant-garde du vingtième siècle. Entendant démontrer que les abstractions s’étaient tournées en académisme, les peintres hyperréalistes en pompiers, les artistes représentés pratiquaient donc une peinture d’atelier, soucieuse des ombres, des bruns, du geste, de la picturalité ; conscients que toute époque porte en elle un « retour à… » qui n’est pas obligatoirement archaïque. Parmi ces artistes on distingue David Hockney, R.B.
Kitaj, Jim Dine, Sam Szafran, Pat Andrea, Avigdor Arikha, Gérard Barthelemy, John Bennett… Une nouvelle exposition se tiendra en 1979 au Palais des beaux-arts de Bruxelles, organisée par Jean Clair et Dominique Pallut.
Op art
Contraction d’optical art, ce nom sera utilisé pour décrire certaines réalisations artistiques à partir des années 1960 exploitant les irrégularités de la vision à travers des illusions optiques, en particulier, les effets de la persistance rétinienne. Généralement abstraites, les pièces les plus démonstratives sont réalisées en noir et blanc et donnent l’illusion du mouvement, de vibration…
Ce mouvement rencontra à New York, en 1965 une reconnaissance internationale via l’exposition du MOMA intitulée L’œil réceptif. Aberrations d’espace et sensations de mouvement étaient engendrées par divers procédés, dont l’organisation de dessins géométriques ou la juxtaposition de couleurs intenses. Cette manifestation, organisée par William G. Seitz, favorisa la popularité de l’op art aux États-Unis et en Europe. Alexander Calder, Frank Stella, Agam, Daniel Buren, Jesús-Rafael Soto, Carlos Cruz-Diez, YouriMessen-Jaschin, Nicolas Schöffer, Julio Le Parc, Richard Anuszkiewicz et Zanis Waldheims en furent les principaux protagonistes.
Les théories visuelles développées par Kandinsky et d’autres artistes dans les années 1920 furent un élément essentiel au développement de cette catégorie artistique. Le Bauhaus, école fondée en Allemagne en 1919 pour explorer les possibilités d’une esthétique fonctionnelle moderne, enseignait aux étudiants en design industriel les principes de la couleur de manière théorique et structurée. La façon dont une couleur est perçue dépend de son contexte. Par exemple, certaines couleurs vibrent lorsqu’elles sont appliquées les unes au côté des autres. Josef Albers, en fera l’étude systématique.
Dans ses tableaux noirs et blancs, Bridget Riley introduit de légères modifications au sein de structures, dans l’ensemble, géométriques. Variant les formes et les tons, ces œuvres déclenchaient des oscillations et des ondulations. Après l’exposition de Riley en 1964 à la Richard Feigen Gallery à New York, l’op art fut connu en Grande-Bretagne et aux États- Unis. Cette popularité n’était pas due à une sensibilité inopinée pour la fréquentation des galeries, mais au motif que les procédés visuels des artistes furent repris presque aussitôt par le monde de la mode et du design graphique.
ème L’idée que les avancées artistiques du XX siècle pussent être considérées comme décoratives, agréables, mais néanmoins dénuées de sens a progressivement déservi le mouvement. L’op art ne serait pas un art qui déboucherait sur des significations profondes et symboliques. Tout se réduirait alors à l’expérience visuelle immédiate du spectateur.
Ce mouvement reçut par conséquent un accueil critique très mitigé.
Pop art
Largement répandu depuis le début des années 1960 ce terme caractérise un mouvement étroitement lié à la culture de masse, » popular culture « . Sa paternité est principalement attribuée au critique anglais Lawrence Alloway, qui, dès 1952, participa, aux côtés d’artistes tels que Richard Hamilton, Eduardo Paolozzi et Reyner Banham, à la formation de l’Independent Group à l’Institute of Contemporary Art de Londres. De 1952 à 1956, ce groupe organisa à Londres nombre de manifestations, parmi lesquelles Collages and Objects (1954), Man, Machine and Motion (1955) et surtout This is Tomorrow (1956), une manifestation qui engendrait les aspects représentatifs du pop art (Pop stars, publicité…). En 1958, Alloway formula une manière de manifeste du groupe avec l’ article » The Arts and the Mass Media « . Ce texte opposé aux idées émises par Clement Greenberg dans un célèbre essai écrit en 1939, Avant-Garde and Kitsch, dans lequel il soutenait que la culture de masse ne pouvait être qu’un ersatz. Parallèlement à l’évolution du pop art en Angleterre (qui allait se continuer dans les années qui suivirent avec l’apparition de nouveaux protagonistes, tels que Richard Smith, Peter Blake, Peter Phillips et David Hockney, associés avec le Royal College of Art, Jasper Johns et Robert Rauschenberg aux États-Unis réintroduisirent dans la peinture -alors dominée par lelyrisme de l’Expressionnisme abstrait- la représentation, ou l’usage direct d’objets domestiques et familiers. Vers la fin des années 50 à New York, une série de manifestations eurent lieu, non directement liées à la production d’objets visuels. Les » happenings » d’Allan Kaprow, de Jim Dine, de George Brecht, de Whitman et de Claes Oldenburg introduisirent une sensibilité prononcée à un monde d’images directes, violentes, banales, dans la même perspective que celles qui firent la fortune des grandes figures du pop art à partir de 1960. En mettant en avant des images du quotidien, les artistes pop durent utiliser les pratiques du collage et de l’assemblage, ainsi que les surréalistes, les cubistes ou Dada les pratiquèrent. En Europe, des mouvements parallèles se sont développés, surtout en France et en Italie, cependant on ne peut guère assimiler le » Nouveau Réalisme » (comme le définit Pierre Restany) à la brutalité directe du pop art.
La vitalité du pop art ne s’est jamais démentie au cours du temps. De récents mouvements comme le Funk Art, apparu dans la région de San Francisco, voire l’art conceptuel doivent une large part de leur démarche au pop art.
Présence Panchounette
Ce mouvement collectif est créé à Bordeaux en 1969 puis dissout en 1990. Composé de Christian Baillet, Pierre Cocrelle, Didier Dumay, Michel Ferrière, Jean-Yves Gros, Frédéric Roux et Jacques Soulillou, il a occupé la scène artistique pendant toute cette période avec provocation, contestation et humour. pour ces représentants, la séparation entre l’art et le non-art, le beau et le laid, le kitch et l’avant-garde n’a pas de légitimité.
Explorateurs des marges et virtuoses des contre-pieds, les artistes du groupe ont toujours opéré en dehors de l’opinion historique et esthétique dominante, celle notamment du modernisme et de sa vision rigoriste et évolutionniste de l’Histoire de l’art. Avec Présence Panchounette l’art devient un fourre-tout sans hiérarchie, un capharnaüm esthétique constitué par l’idiotie volontaire. À l’automne 1988, prenant part à la Foire internationale d’art contemporain de Paris sur le stand de la Galerie de Paris dirigée par Éric Fabre, le groupe se propose de refaire, la plupart du temps à partir de la seule indication de leurs titres, des œuvres inventées à la fin du XIXe siècle par le groupe des Incohérents, alors pratiquement ignorés des historiens. Présence Panchounette a donc conçu une quinzaine de pièces « incohérentes » tour à tour absurdes, loufoques, qui témoignèrent que la légèreté n’est en aucune manière synonyme de manque d’ à propos.
Simulationnisme
Le simulationnisme est un mouvement artistique né aux États-Unis par une exposition intitulée « Pictures » présentée à New York à l’automne 1977 dans un espace alternatif.S’incrivant dans le discours critique de la représentation, il consiste à produire des « reproductions de reproductions », employer des objets manufacturés, photographier des photographies, etc. Les plus importants représentants du simulationnisme sont Barbara Kruger, Allan Mc Callum, Richard Prince, Jeff Koons, Jack Goldstein, Robert Longo ou Sherrie Levine, Hans Haacke, Cindy Sherman…
Les simulationnistes estiment à travers leur art que le réel est saturé de signes et de représentations qui encombrent le réel au lieu de le dévoiler. L’art devient alors un instrument de la critique au moment où l’art est un support d’illusions. Ainsi notre monde serait peuplé de signes abstraits qui ne font même plus référence à une réalité tangible.
Dans cet univers de simulacres, pas de copies possibles, puisqu’il n’y a même plus d’originaux.
Spatialisme
Ce mouvement s’est édifié autour de la figue de Lucio Fontana à Milan entre 1947 et 1952. À ne pas confondre avec le mouvement littéraire créé par le poète Pierre Garnier. À partir de 1949, Fontana commence à peindre des surfaces monochromes et à les meurtrir en les trouant ou les incisant. Pour cet artiste, « la toile n’est pas ou plus un support mais une illusion ». La surface d’une toile ne doit plus seulement exister pour la vision du spectateur qui se perd en elle, mais plutôt s’ouvrir favorablement aux possibilités de son environnement non pictural. Ce type d’œuvres sera également décliné en sculptures (Concetto spaziale Teatrino). Il fonde en 1950 le spacialisme proprement dit, mouvement auquel participent d’ autres peintres comme Mario Deluigi et Roberto Crippa. Les artistes de cet mouvement ne s’attachent moins à la couleur et à la texture de la toile qu’à produire sur celle-ci une construction d’aspect tridimentionnel. Lucio Fontana réalise également d’autres œuvres en relation avec les occurrences de la lumière. En 1949, à la Galleria del Naviglio de Milan il utilise de la lumière noire, avec le concours de l’architecte Luciano Baldessari, pour réaliser une installation présentée dans l’obscurité et parcourue de couleurs paraissant suspendues au-dessus du sol. Ambiente spaziale a luce nera (environnement spatial en lumière noire) est présenté en 1949. L’artiste réalisera également des structures en néon, Luce spaziale pour la IXe Triennale de Milan en 1951.
La première grande exposition collective intitulée « Arte spaziale », rassemblera, outre les œuvres de Fontana, celles de Giancarlo Carozzi, Roberto Crippa, Mario Deluigi, Gianni Dova, Beniamino Joppolo et Cesare Peverelli.
Support/surface
Lors d’une exposition au musée du Havre en juin 1969 dite « La peinture en question », Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi, Bernard Pagès et Claude Viallat prononcent : « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes ». Ne se référant à aucun point de l’ Histoire de l’art, ils n’offrent aucune possibilité objective, car la surface, par les ruptures de formes et de couleurs qui y sont opérées, interdit toute projection mentale ou divagation onirique. La peinture est un acte en soi et c’est sur sa surface qu’on doit exposer les problèmes.
Il ne s’agit ni d’un retour aux sources, ni d’une quête extatique, mais d’une seule mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural. La neutralité des œuvres présentées, leur absence de lyrisme et de profondeur s’en font l’expression. Le groupe Supports/Surfaces fut un mouvement éphémère. La première exposition de ce groupe se tient en 1969 au musée d’art moderne de la ville de Paris. Elle rassemble des artistes privilégiant la pratique d’une peinture qui interroge ses composants élémentaires. Ce mouvement se caractérise par une démarche qui accorde une importance égale aux matériaux, aux gestes créatifs et à l’œuvre finale. Le sujet passe au second plan. Au-delà de cette phase de brassage d’idées, chaque artiste évolua dans des directions allant de la figuration libre à l’expressionnisme abstrait. Dés 1966 le support traditionnel est remis en question. Pierre Buraglio récupère des morceaux de toile et des éléments de fenêtre qu’il assemble.
Dezeuze dissocie la toile du châssis. Claude Viallat utilise des matériaux de récupération, toiles de bâche, parasols, tissus divers, corde nouée ou tressée. Bernard Pagés et Toni Grand travaillent le bois et les cordes. Christian Jaccard (aptonyme) utilise des cordes nouées pour imprimer leurs empreintes sur une toile qu’il expose simultanément avec les cordes qui ont servi d’outils. Rouan peint deux toiles qu’il découpe et tresse ensemble.
Patrick Saytour revisite la technique du pliage, Viallat répète un même motif en y ajoutant de la couleur au pochoir. Cane utilise des tampons. Ces procédés témoignent la volonté d’un retour à une expérience primitive. Ces réflexions ont été précédées au Japon par le mouvement d’avant-garde Gutaï à partir de 1955. Simultanément des recherches comparables sur la question de l’œuvre et du processus de création se développent à la fin des années 1960, en particulier dans le cadre de l’art minimal américain, ou de l’Arte Povera italien. Posant la question des moyens picturaux traditionnels, ces artistes associent à cette pratique une réflexion théorique et une position politique au sein de la revue « Peinture-cahiers théoriques ». Des différends naissent entre les membres du groupe et une scission se déclare en 1972. Tardif, on peut prétendre que le mouvement Support/surface représente le dernier mouvement d’avant-garde français, dans l’histoire de la modernité et clôt définitivement ce cycle.
Trans-avant-garde
C’est dans la revue Flash Art, consacrée à l’art contemporain qu’à l’automne 1979, Achille Bonito-Oliva publie le premier article concernant le mouvement de la Trans-avant-garde italienne. Celui-ci y prononce un retour salutaire à la peinture d’expression, au sujet et à l’exercice de la facture. Apparaissant après les contours austères de l’arte povera et de l’art minimal, une résurgence de la facture personnelle, un retour au symbolisme, cette attitude suggère une rupture dans le maelstrom des avant-gardes récentes. Le courant se révéla assez rapidement par une succession d’expositions collectives, accueillies dans divers endroits ; à la Kunsthalle de Bâle, en 1980, au musée Folkwang d’Essen, puis au StedelijkMuseum à Amsterdam. Cette dernière exposition donnait à voir les œuvres de Chia, Clemente, Cucchi, Maria, Ontani, Paladino et Tatafiore. Le retour à la figuration très explicite chez Sandro Chia, montre souvent des personnages, accompagnés parfois d’animaux, comme des images extraites d’une histoire et de lieux imprécis. Francesco Clemente s’applique à disposer des éléments éparpillés et autonomes ou superpose et mêle des corps humains dans une ambiance trouble dépourvue de toute pesanteur. Enzo Cucchi parvient à des textures dramatiques par l’usage de pâtes épaisses, de couleurs vives constituant un dynamisme mêlant signes abstraits et corps étranges. Nicola De Maria s’adonne davantage à la transformation de l’espace mural par l’utilisation de larges étendues de couleurs vives, renvoyant en quelque sorte à une étendue cosmique peuplée de frêles éléments géométriques ou organiques. Quant à Mimmo Paladino, il réintroduit une façon primitive de signes et de formes. Toute profondeur absente confère parfois à ses pièces une proximité relative avec l’icône religieuse. Les prosélytes de cette mouvance désirent finalement la réinvention du travail physique de l’art, en s’opposant à une conceptualisation jugée excessive et inefficiente, par une production d’images nourries de fantasmes, en continuelle dérive, et dans la perspective d’une renaissance de la tradition picturale italienne.
YBA ou Young British Artists
Ce collectif prend ses origines lors de l’exposition «Freeze» en 1988, conçue par Damien Hirst, lorsqu’il était encore étudiant au Goldsmiths College de Londres. Il deviendra par la suite l’artiste le plus représentatif du YBAs. Né en 1965 à Bristol, Hirst, controversé et hyper médiatisé, crée des installations qui confrontent le spectateur aux rapports existant entre l’art, la vie et la mort.
YBA est devenu un puissant label et un véritable outil marketing. Le mouvement est marquée par une totale ouverture en termes de modes opératoires et de matériaux.
L’histoire de l’art britannique est empreinte -du moins depuis le XVIème siècle- de philistinisme. Le critique Andrew Graham-Dixon a très bien démontré qu’il existe une tradition anti-artistique en Grande-Bretagne après la Réforme et le sac des emblèmes religieux qui s’en suivit. La ferveur iconoclaste a détruit une part considérable du patrimoine artistique religieux et une grande quantité de chefs-d’œuvre dans un mouvement anti-catholique qui voulait se débarrasser des icônes et d’un art figuratif appelé « Papal trash ». Des églises, des chapelles furent méthodiquement vandalisées, tout en prenant soin de laisser des traces de cet iconoclasme, les statues étant mutilées plutôt que totalement détruites. De nombreux historiens de l’art situent là l’origine d’un développement national singulier de l’art britannique marqué par ce rejet.
Fierté nationale symbolique, le drapeau britannique l’un des éléments vexillologiques très souvent représentés dans le YBA. L’ Union Jack comme signe vernaculaire s’adapte à tous les supports et subit maints aménagements.
Certains artistes comme Damien Hirst utilisent des animaux morts, alors que Cornelia Parker écrase des objets, Christine Borland s’approprie des objets issus de l’histoire médicale, Tracey Emin présente son propre lit comme une œuvre d’art, alors que SarahLucas fait des sculptures à partir de nourriture fraîche, de cigarettes ou de collants féminins.
Ces artistes utilisent la vidéo, le dessin et l’imprimé de toutes les manières imaginables, développent au maximum les possibilités de l’installation et revitalisent le genre pictural.
L’intérêt premier de ces performances vient de l’utilisation du corps comme matériau artistique pouvant être souillé, dégradé et avili. Ces actions développées par ce mouvement dès 1964, présentent des caractères sexuels et fétichistes récurrents, dont l’expression s’inscrit dans le défoulement collectif. La violence expressionniste, la provocation et le sacrilège apparaissant dans ce climat se réalisent en particulier par les peintures de O. Muehl, les collages et œuvres corporelles de G. Brus, les actions de R.
Schwarzkogler, les films ou photographies de H. Nitsch.
Pascal Bouchet-Spiegel
Membre de l'Atelier Zeuxis