écrits sur l'art
Les ateliers d'artistes, extension de l'espace créatif intérieur
FRANCIS BACON
L'Atelier puit
Au 7 Reeces Meus London ; un petit bâtiment en briques peintes, anciennes écuries et abri de cocher, transformé en garage. Au premier étage en haut d’un escalier de meunier raide, étroit à la rampe de corde, l’appartement et l’atelier qu’il emménage en 1961.
L’atelier fatras, foutoir, amoncellement de papiers, de livres, de photos déchirés, piétinés, restes de pots et pinceaux prisonniers dans la peinture séchée.
Ce capharnaum est le lieu sacré du désordre, Francis Bacon dit « s’y sentir bien et ne pas pouvoir peindre ailleurs »
C’est dans cette pièce opaque avec une lucarne et une seule lampe qui pend au plafond par un fil (et que l’on retrouve dans certains de ses tableaux), avec un miroir rond piqueté et une porte tachetée d’essais de couleurs qui ne s’ouvre que très rarement aux autres. C’est dans cet espace mystérieux que Bacon cultive comme un lieu mythique qu’il crée.
Ce chaos le stimule et donne naissance à des images, des visions. « Ce sont mes aide-mémoires, dit-il. On ne peut pas savoir comment les choses arrivent. Je regarde un peu de tout et toutes sortes d’images, elles s’accumulent comme dans un puits puis d’un seul coup elles montent »
C’est dans ce lieu étrange matrice pleine que peignit Bacon jusqu’à sa mort en 1909.
NICOLAS DE STAËL
Le dernier atelier
En 1953, Nicolas de Staël quitte femme et enfants pour s’installer seul à Antibes, à la maison Ardouin. Il veut se rapprocher de sa maitresse Jeanne Mathieu, femme mariée, qui vit à Nice.
Il y peint, avec acharnement dans une grande solitude, plus de 300 toiles , dont beaucoup ne sont pas finies. Dans l’atelier clair, à la lumière du sud méditerranéen, il réalise des tableaux éblouissant de couleurs alors qu’il sombre dans la noirceur de la dépression.
Durant cette période dévorante de sa passion amoureuse, il s’essaie au nu, en trouve l’épure du suje dans « nu de Jeanne ».
Pendant deux ans, Nicolas de Staël dans cet atelier vit un drame intérieur où il s’est mis en solitude, vivant la souffrance de l’absence, il plonge dans un profond désespoir. tout fusionne, l’intensité créative et l’excès des sentiments jusqu’à l’épuisement.
Il reçoit de son galeriste des lettres qui lui annoncent des ventes somptueuses. C’est l’ascension, enfin, après toutes ses années de travail, mais cependant inexorablement l’effondrement moral.
Pressent-il la fin pour produire autant?
Exténué, il quitte ce « dernier » atelier pour monter sur le toit de la maison et se jette dans l’abîme. Nicolas de Staël s’est suicidé en 1955.
ALBERTO GIACOMETTI
Le froid de l'atelier
Situé au rue Hippolyte Maindron à Paris, cette étrange maison fut le lieu de vie et de travail de l’artiste de 1926 jusqu’à sa mort en 1966. Malgré la reconnaissance et l’aisance qu’il connait à la fin de sa vie, il ne quitte pas son antre, il y vivra et travaillera durant 40 ans.
Certains artistes se passent d’atelier, d’autres en changent, mais certains comme Giacometti restent attachés, ancrés, à leur atelier-refuge dont il n’est pas possible de se détacher car profondément lié à l’activité créative. L’atelier fait entièrement partie de leur être. D’ailleurs les conservateurs ne s’y trompent pas, en conservant ces lieux pour que les visiteurs puissent mieux approcher l’univers créatif de l’artiste.
Après ses errances de la nuit, ses visites nocturnes des lieux chauds, Giacometti retrouve au matin son lit défait, son lieu glacial et son atelier humide par les nombreux tissus trempés qui recouvrent les plâtres des statues en devenir. C’est dans cette froideur Qu’il passe ses journées à faire, refaire, défaire sans-cesse ses sculptures qui se réduisent , s’assèchent au point d’en devenir squelettiques. Ses portraits, il ne cesse de les déconstruire jusqu’à l’aspect cadavérique fait de traits monochromes de divers gris. C’est ce lieu justement qu’il a choisi en tournant le dos à l’art abstrait, au surréalisme, pour se pencher sur la représentation de l’homme tel qu’il le voyait dans son dénuement le plus total.
Vincent Van Gogh
La maison jaune
La maison jaune l’atelier rêvé de Vincent van Gogh.
Vincent rêve d’un lieu de partage, pour sortir de cette solitude qui l’enferme depuis longtemps. Ce lieu il l’a trouvé. C’est la « maison jaune » à Arles. Il veut en faire, suite à son passage à Pont Aven, une communauté d’artistes, un atelier commun de création. Il écrit plusieurs fois à Gauguin pour le faire venir et créer ensemble cette atelier. Gauguin est un chef de fil à Pont Aven. Il finira par arriver. Mais rapidement c’est un échec, les deux hommes ne s’entendent pas, les excès de l’un, la personnalité extrême de l’’autre se termine par la fuite de Gauguin. L’atelier d’artistes sera un rêve déçu pour Vincent qui maintenant reste seul éloigné de tous face à son chevalet dans les petites chambres d’hôtels, l’hôpital, la nature, ses lieux de création. C’est l’enfermement fatale qui se poursuit et le conduit vers la folie.